Sur la piste minée des aides et subventions – Les hauts et les bas d’une Hôtesse de l’air d’Internet

Sur la piste minée des aides et subventions

« Si j’avais à parler à un fils de cultivateur je lui dirais : « Tu aimes le travail de la terre ? Très bien. Tu ne songes pas à quitter la ferme paternelle ? Mieux encore. Tu travailles à tour de bras ? Encore un point de plus… Mais est-ce bien tout ce qui suffit à assurer ton succès, ton avenir ? As-tu continué, depuis les années déjà lointaines de la petite école, à Écrire, Lire, Compter ?

Si tu écris, tu annules toutes les distances entre tes informateurs et toi-même… Tu peux noter les résultats de ton travail afin de pouvoir perfectionner celui-ci. Tu peux écrire le « LIVRE de RAISON » ou l’Histoire de la Famille, tenir tes comptes, et mettre de l’ordre dans ton administration.

Si tu lis, toutes les écoles viennent chez toi, par le livre, la brochure, la circulaire et le journal agricole. Toute une bibliothèque rurale traitant de production agricole, de coopération, d’association professionnelle, est à ta disposition. Si tu ne lis pas, tout cela, c’est comme de l’or caché dans le roc.

Sais-tu compter ? Oui, compter tes revenus et tes dépenses, les intérêts que tu paies ou que tu peux recevoir ? Sais-tu calculer ce que te coûte réellement l’achat à tempérament d’un instrument aratoire ? Sais-tu ce qu’il t’en aurait coûté d’obtenir le même argent à la Caisse Populaire, et payer le vendeur rubis sur l’ongle ?

Et puis sais-tu la chanson monotone et épuisante des intérêts à payer, surtout lorsque ceux-ci absorbent tout ce que tu comptais mettre dans l’amélioration de tes champs, de ton bétail ?

Si tu savais compter à vingt ans, déjà tu économiserais en vue de l’avenir.

Ce qu’un homme récolte à cinquante ans, ce sont les sacrifices, les efforts que, comme le grain de blé, il a mis en terre, à vingt ans, en les arrosant de ses sueurs, et parfois même de ses larmes. »

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Extrait de « À toi qui as vingt ans… », une lettre à un jeune cultivateur écrite par mon grand-père Louis de Gonzague Fortin et publiée le 1er Mars 1942 dans la « Gazette des Campagnes », un bimensuel édité par Fortin & Fils, imprimeur de Sainte-Anne-de-la-Pocatière, une petite ville du comté de Kamouraska au Québec.

Mes grands-parents paternels, Jeanne et Louis de Gonzague, tous deux nés en 1894, eurent une douzaine d’enfants. De quoi doter la ferme d’une solide main-d’œuvre, s’ils avaient été fermiers, mais grand-père était un intellectuel. Professeur de zootechnologie à l’École d’Agriculture de La Pocatière, directeur et propriétaire de la « Gazette des campagnes », imprimeur, violoniste dans l’orchestre du collège, écrivain, poète, entraîneur de l’équipe de Hockey et fervent catholique.

Orchestre-de-l-ecole-vers-1925

Grand-père au centre avec son violon

Je ne lui connais pas d’expérience politique, mais à la lecture de ses nombreux éditos, sans doute, joua-t-il un rôle d’agitateur d’idées nouvelles dans la bulle traditionnelle de son environnement agricole. Le slogan « penser à ce qu’on écrit et écrire ce que l’on pense » figurait en sous-titre à la une de chaque numéro de la « Gazette des Campagnes ». Il avait à cœur sa terre patrie, sa culture, sa langue et la jeunesse héritière d’un monde rural qu’il estimait sincèrement.

À son époque, le concept « d’agriculture subventionnée », aujourd’hui répandu comme de l’engrais sur les terres de la quasi-totalité des pays industrialisés, n’existait pas encore. Le mot subvention ne figuraient pas au lexique de l’agriculteur du Bas St-Laurent dans les années quarante.

Sept décennies plus tard, « les sacrifices, les efforts, le grain de blé mis en terre, arrosé des sueurs et parfois des larmes » de nos grands-parents tout comme les difficultés à en récolter les fruits sont toujours d’actualité.

Ce « problème », lit-on dans La Presse en 2010, c’est-à-dire la grande variabilité des revenus et leur faiblesse relative, fait de l’agriculture une activité économique à part. En bref, le progrès technique augmente la productivité et pousse les prix à la baisse, mais les consommateurs n’achètent pas plus parce que le prix est bas (inélasticité de la demande). « On doit se questionner quand le prix du marché ne procure jamais un revenu adéquat aux producteurs », soutient Daniel-Mercier Gouin*. « Demander aux contribuables de soutenir différentes entreprises ad vitam aeternam, je ne sais pas si c’est une bonne chose, surtout si on considère l’état des finances publiques », souligne Sylvain Charlebois*.

J’ai toujours eu un petit côté paysan. Un héritage de mon grand-père sans doute.  Enfin, il suffit de remplacer le mot agriculture par culture pour revenir à nos moutons enragés : … la grande variabilité des revenus et leur faiblesse relative, fait de la culture une activité économique à part…

En 1961 Georges-Émile Lapalme, un bon ami d’André Malraux, dota le Québec d’un Ministère des affaires culturelles, d’une Délégation générale du Québec à Paris et d’un Office québécois de la langue française. Ces trois institutions, nées dans « la douleur et l’incurie » selon leur premier promoteur, ont largement contribué au façonnage de l’actuel modèle de soutien public aux entreprises culturelles privées.

Au Québec, un réseau de petites et moyennes entreprises affranchi de la tyrannie des multinationales, à la fois très indépendant et fort subventionné, domine le marché francophone de la musique depuis plus de 20 ans. Pour un jeune artiste en quête de moyens de production, la case départ se situe sur le seuil de l’une ou l’autre de ces boutiques spécialisées, titulaires d’un droit d’accès aux sources d’où jaillissent les aides à la création. Décrocher le Saint Graal, pour l’artiste, consiste à se faire repérer puis coller l’une ou l’autre de ces étiquettes sur le front.

« Aide-moi, le ciel te le rendra » dit l’artiste. « Pourquoi pas, on va monter un dossier » lui répond le producteur.

On connait l’anglicisme bankable utilisé dans le milieu du cinéma américain pour désigner un acteur connu dont le nom au générique contribue au financement d’un film. Il existe au Québec une catégorie d’artistes bankable qui permet aux labels de boucler leurs budgets de production sans que la notoriété de leurs jeunes recrus ne soit à priori un atout indispensable.

Pour illustrer mon propos, laissez-moi vous raconter l’histoire de Tom & Jerry inspirée de faits réels. Une bonne fiction peut révéler une réalité que le devoir de réserve nous fait taire.

Tom est producteur et éditeur de musique au Québec. Il créa sa propre boîte, TomNotDum Records, il y a une dizaine d’année, juste au moment où l’industrie à l’internationale commençait à se stabiliser dans le chaos. L’un de ses tous premiers coups de cœur professionnels (2010-2011) fut pour Jerry, un jeune artiste francophone d’une vingtaine d’années tout à fait présentable, un brin rebelle mais pas trop, juste ce qu’il faut pour exciter la presse branchée sans pour autant neutraliser les médias grand public. Tom & Jerry font la paire. L’union du nerf de la guerre et de la corde sensible.

Afin d’officialiser leur alliance, Tom & Jerry signent des ententes exclusives, ce qui dans notre jargon signifie que Jerry travaille uniquement avec Tom et Tom avec qui il veut.

Un modeste premier album de Jerry fut lancé gentiment, histoire de tester le produit. Pas de gros hit, mais l’opération run de lait réussit à convaincre l’influent conseil d’état de grâce du milieu que le petit allait grandir en vertu. C’est au deuxième service que la machine prit des tours de surchauffe.

Tom, un brin insoumis mais pas trop, juste ce qu’il faut pour s’attirer l’admiration de ses confrères sans pour autant neutraliser les forces financières du pouvoir public, s’est fait une place tout à fait respectable dans le métier. Très vite, TomNotDum Records fut admis dans le cercle restreint des maisons de disques dites « reconnues ».

Le contexte économique dans lequel évoluent nos deux futurs champions repose sur quatre murs porteurs : FONDS RADIOSTAR*, MUSICACTION*, le FMC* et la SODEC*. Ces quatre institutions octroient toutes les aides à la création auxquelles ont droit les agents des créateurs.

La SODEC* et le FMC* n’accordent leurs faveurs qu’aux entreprises. MUSICACTION* entre-ouvre aux artistes indépendants une porte que le règlement se charge de verrouiller. Voici quelques extraits du dit règlement (2016) : les entreprises bénéficiant d’un statut de producteur reconnu par MUSICACTION*, font l’objet d’une approbation directe… En clair, leurs demandes d’aides sont approuvées d’office. En ce qui concerne les autres entreprises non reconnues, le demandeur doit être canadien, propriétaire de la bande maîtresse et l’album visé par la demande faire l’objet d’une distribution physique ou numérique ou être en licence avec une maison de disques ayant un contrat avec un distributeur physique ou numérique reconnu par MUSICACTION*. Ben là!!!

Ne sont pas admissibles au processus par jury, (les projets présentés par des producteurs non reconnus sont soumis à un jury) les projets relatifs aux artistes ayant reçu l’appui de MUSICACTION* pour quatre projets d’album… ou ayant vendu plus de 150 000 copies en carrière. Ceci explique peut-être pourquoi l’élan des carrières s’essoufflent après la commercialisation de trois ou quatre albums. (Cela dit, des exemples contredisent cette règle qui, comme toutes les règles, ne s’applique apparemment pas à tout le monde. Les projets de Daniel Lavoie, Éric Lapointe et Marc Dupré ont été acceptés cette année dans le plus récent volet publié « Production d’album de MUSICACTION. »)

À l’exception des entreprises bénéficiant d’un statut de Producteur reconnu, une entreprise ou un individu a accès à un maximum de 75 000 $ annuellement pour tous les projets présentés… Un montant maximal de 2 000 $ a été fixé pour tout auteur ou compositeur ayant participé à la production de l’album.

Quant à FONDS RADIOSTAR*, il s’adresse aux maisons de disques canadiennes reconnus par MUSICACTION*. N’est pas éligible une maison de disques dont l’unique artiste représenté à titre d’interprète est également un actionnaire détenant la moitié des actions votantes et participantes ou plus de l’entreprise. Les artistes indépendants sont prévenus.

Notre tableau serait incomplet sans la mention du CALQ* : Le conseil des arts et des lettres du Québec, une société d’État doté d’un budget annuel d’environ 95 millions de dollars. Avec ce parfum d’élitisme dans le titre, le fond de l’air risque d’être frais pour notre discipline. Impression confirmée par les 0,9% du budget consacrés à la chanson.

On l’aura compris, quel que soit le donateur de la prime organisée, le cavalier seul est prié de rentrer à l’écurie s’il veut mettre du foin dans ses bottes. Sinon il devra ménager sa monture…

Au Québec, un artiste bankable est un artiste inconnu signé dans un label reconnu. Voilà pour la théorie, voyons la pratique.

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Avant d’entrer en studio avec Jerry pour l’enregistrement de son deuxième album, Tom peaufine un superbe plan d’affaire sur 2 ans, ce qui lui permettra d’optimiser le potentiel « subvention » de son poulain. Jerry et ses amis musiciens Spike & Tyke composent, programment et enregistrent des maquettes pendant que Tom remplie des formulaires et rassemble tous les éléments dont seront constitués les dossiers de demande d’aides à la SODEC* et à MUSICACTION* : les contrats exclusifs de production, d’édition, de gérance et d’agence de spectacles entre Tom & Jerry, le contrat de distribution de TomNotDum Records, les biographies des collaborateurs et aucun extrait sonore puisque les producteurs reconnus ne sont pas soumis à l’appréciation du jury MUSICACTION*.

Tom a fait ses devoirs. Les commissions l’ont gâté.

L’année de la sortie au Québec du deuxième album de Jerry, MUSICACTION* a versé à TomNotDom Records un total de 90 133 $, somme répartie sur plusieurs volets : Gérance 7 500 $ – Commercialisation internationale, 8 778 $ – Commercialisation nationale 56 855 $ – Production 17 000 $.

L’année suivante, l’album sortit en France. MUSICACTION* remit ça pour 69 184 $ : Gérance 7 500 $ – Commercialisation internationale 61 684 $.

La SODEC* donna à son tour un petit coup de pouce avec un versement la première année d’un total de 79 816 $ : Programme de sensibilisation à la chanson et de diffusion pour le milieu collégial : 32 436 $ (ils sont vraiment doués pour nommer leurs programmes) – Soutien à la tournée hors Québec : 47 380 $.

La seconde année, accompagnant le projet pour toute sa durée d’exploitation, la SODEC* ajouta 34 648 $ à sa contribution initiale : Programme de sensibilisation à la chanson et de diffusion pour le milieu collégial : 13 148 $ – Soutien à la tournée hors Québec : 21 500 $.

Cerise sur le gâteau, la SACEM* – la société de gestion de droits d’auteurs en France – mis 20 000€ (environ 30 000$ Ca.), sur la table de montage du plan financier.

Wow ! Près de 300 000$ d’aides cumulées non récupérables sur 2 ans pour un seul artiste, c’est une belle somme. Tom a pinaillé mais le résultat est là.

De quoi se payer un chouette album, une belle campagne de promotion et pas mal de frais de tournée. Bravo. C’est du lourd. De l’art pur. De l’or en barre. « De la belle argent » comme on dit dans la belle province.

Tom ayant en plus décroché pour Jerry un multi-deal en France – une licence phono dotée d’une belle avance et un contrat de sous-édition dans une Major – les médias l’ont approché pour commenter son exploit. Lorsque le présentateur du Journal de la télévision canadienne interrogea Tom sur le montant des avances françaises perçues, le petit cachotier n’a rien dit de plus que : « j’ai fait mes devoirs ». Vu sa tête, il a eu une bonne note et un beau chèque.

TomNotDum Records, comme beaucoup de moyennes entreprises québécoises, reçoit annuellement de la SODEC* des « aides à l’entreprise » et un « soutien additionnel aux activités en nouveaux médias » en plus des aides obtenues pour chaque projet. Son roster de 28 artistes new-school, c’est Jerry fois 28 possibilités d’appliquer et profiter à pleine capacité des aides pré-approuvées de MUSICACTION*, ou de celles prévues par la SODEC* et FONDS RADIOSTAR*. De quoi ventiler les frais fixes. Quant aux revenus « instables » générés par les ventes d’albums, le streaming, les droits éditoriaux, les droits voisins et les concerts, c’est presque tout bénef…

De son côté et à la même période, Jerry a pour sa part reçu ses modestes subventions. 1 000 $ du CALQ* et 2 000 $ de MUSICACTION* en tant qu’auteur-compositeur. C’est sympa ! Moins la commission de 20% due à son agent Tom ? Bah. Avec les nouveaux contrats dits 360°, tout est possible.

Tom a t’il partagé avec Jerry une partie des aides et avances collectées par TomNotDum Records ?  Peut-être. Il est certain toutefois que Jerry s’est acquitté du droit d’entrée dans le circuit des « maisons de disques reconnues » en cédant à TomNotDum Records tout ou majeure partie de ses éditions et de son phonogramme.

Jerry peut définitivement être qualifié d’artiste bankable mais sans TomNotDum Records et sa pompe à subventions, pas de carburant dans le moteur du bateau qui fait mouche. Tant que Tom ne passe pas à un autre appel, tout baigne, mais un jour il relâchera sa prise dans la nature, sans renoncer à son emprise sur les revenus générés par les oeuvres de Jerry période TomNotDum. Jerry devra alors apprendre à nager tout seul sans bateau qui fait mouche, sans bouée, sans tuba et sans les palmes dans les eaux troubles d’un système où l’éligibilité du candidat aux aides prévaut sur la qualité artistique de son travail ou même de sa valeur commerciale.

So far so good. Uni pour une troisième saison, le couple Tom & Jerry a repris du service. Le financement pré-approuvé de MUSICACTION* d’un montant de 114 329 $ sur 2 ans (tous volets confondus) pour la production et la commercialisation du troisième album de Jerry a été confirmé. La dotation de la SODEC* va suivre à la cadence des instances gouvernementales. (Ai mis fin à cette enquête en 2016.)

Dans un marché trop proche de l’Amérique, trop loin de la France et surtout trop petit, la vingtaine de producteurs reconnus par MUSICACTION* fait ce qu’elle peut, confinée dans une ligue de seconde division. Et oui, parce qu’au Québec, la toute première division, c’est un peu moins de 10 autres équipes*, plus grandes, plus anciennes, plus puissantes et encore plus subventionnées par le FMC* de Patrimoine Canadien, par la SODEC* et  par FONDS RADIOSTAR*.

Échafauder un modèle d’affaire voire tout une industrie sur la base d’aides contrôlées en partie par ceux-là même qui en bénéficient, me chatouille le bon sens.

Il faudrait pouvoir compter avec les aides mais pas essentiellement sur elles. Dans l’état des finances publiques actuelles, comme le souligne plus haut Monsieur Charlebois – le professeur d’économie pas le chanteur – il faut s’attendre à une révision à la baisse du statut d’intérêt général dont jouit la culture, en particulier la culture populaire. Chasseur de primes subventionnelles n’est pas un métier d’avenir.

Les bonnes intentions derrières tous les programmes d’aides ne font aucun doute mais à peine ceux-ci en place, une concentration de bénéficiaires s’empare du mécanisme et fait barrage de castor, de sorte qu’en aval de leur position dominante, les miettes sont dures à avaler.

Au Québec, une entreprise peut faire des affaires sous la forme juridique de « personne morale sans but lucratif » et bénéficier de subventions. C’est le cas du « Festival international de Jazz de Montréal » et des « Francofolies de Montréal ». Geoff Molson, l’un des administrateurs et propriétaire de ces deux incontournables évènements via le Groupe CH (Club de hockey Canadien inc.) depuis le rachat de L’Équipe Spectra* par Evenko*, est aussi membre du conseil d’administration de la brasserie Molson-Coors* et possède avec ses frères l’équipe de hockey professionnel des Canadiens de Montréal, Evenko*, le Centre Bell* etc. Bel exemple parmi tant d’autres de mélange de genres et de concentration de pouvoir tellement typiques de notre époque.

Le discours officiel, public ou privé, met toujours en avant l’intérêt des artistes mais dans les budgets, la place de l’artiste se trouve souvent tout en bas du tableau XL. Comme l’explique très bien l’humoriste acteur et scénariste québécois Martin Petit dans une interview accordée au Devoir : « …au Québec, l’auteur, s’il est estimé en public, en pratique, il est souvent mal rémunéré. Et surtout, on le dépossède de ses droits à la moindre occasion. Par exemple, pour Starbuck, nous avions gardé Ken Scott et moi 100 % de nos droits de suite, ce qui est rarissime dans l’industrie. Normalement, le scénariste cède ce genre de droits au producteur pour 1 $ ! Ce film a connu deux remakes, un français et un américain. Imaginez si nous n’avions touché qu’un dollar pour ça, ce serait un vol à tous points de vue. Une culture qui respecte le créateur devrait d’abord s’assurer de financer des producteurs qui ont d’abord, et avant tout, un engagement envers les créateurs. Puisqu’on a choisi un modèle qui finance des producteurs demandeurs de subventions, on devrait avoir une politique qui s’assure que ceux-ci le font selon des critères de respect obligatoire du droit d’auteur*.

Pour Sébastien Barangé, membre de la BAAM* – la Brigade Arts Affaires de Montréal – la politique culturelle idéale québécoise pourrait se situer à mi-chemin entre le financement public à la française et le financement purement privé à l’américaine. De nouvelles orientations pense-t-il, pourraient également accroître l’efficacité des soutiens à la culture.

« On a beaucoup travaillé dans le passé à soutenir les créateurs, l’offre et la diffusion. Il est maintenant urgent de soutenir la demande culturelle. »

Si j’étais ministre de la Culture, la première chose inscrite à mon agenda serait d’aller m’asseoir avec le ministre de l’Éducation pour penser la prochaine politique culturelle, avec des programmes, des sorties culturelles et des enseignements liés à la culture. Dès la petite école. On ne le fait pas assez. »

L’artiste qui a le plus participé à la reprise économique de l’industrie musicale dans les pays francophones ces dernières années s’appelle Stromae. Il est belge, indépendant et sa société Mosaert possède ses éditions, son catalogue phonographique et même sa propre marque de vêtements. Un cas d’école, une inspiration, un exemple à suivre… L’exception qui dicte la règle et j’ai ouï-dire achale l’industrie.

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Stromae aux Victoires de la musique en 2014

En France la culture bénéficie de fonds publics importants mais qu’en est-il de la musique enregistrée ?

Les aides françaises à « l’industrie de la musique enregistrée » sont en majorité accordées par les grandes sociétés civiles de perception et de gestion de droits d’auteurs. Peu de sources financières d’origine étatique donc pour alimenter la trousse de secours à la production de musique enregistrée.

La SACEM*, l’ADAMI*, la SPPF* et SCPP*, disposent toutes de programmes d’aide à la production. Généralement, les bénéficiaires en sont les membres mais pas seulement. Par exemple, un artiste membre de l’ADAMI* doit formuler sa demande d’aide à travers une structure de droit privée (association, SARL) munie d’un code APE en rapport avec le champ artistique. Par exemple : une agence de production de spectacles ou un éditeur. Il existe aussi un « Fonds pour la création musicale », le FCM*, partenaire du Ministère de la culture, gérant un budget alimenté par l’ensemble des sociétés civiles précitées. Seules les demandes formulées par les entreprises françaises sont acceptées dans ce cas.

Si les critères d’attribution varient d’une société à l’autre, il y en a pour tout le monde. La relève est bien sûr comme au Québec favorisée, mais tous les artistes, débutants ou confirmés, associations, entreprises indépendantes, multinationales, françaises ou membres d’origine étrangère peuvent aspirer à l’obtention d’un financement. On peut consulter sur Internet les sites des sociétés civiles françaises et y trouver la liste des projets retenus et les sommes accordées par toutes les commissions récentes. Un candidat potentiel peut toujours y jeter un œil afin d’évaluer ses chances d’obtenir une aide.

C’est ce qu’a fait le journaliste Jérémy Jeantet du webzine Lelanceur.fr en juillet 2016*. Il écrit tout surpris que : Les albums de Chimène Badi, Charles Aznavour, Eddy Mitchell et Johnny Hallyday ont été parmi les plus aidés par la SCPP*, société de producteurs de musique, en 2015, grâce à un fonds d’aide que l’ancienne ministre de la Culture Catherine Tasca définissait comme destiné à “aider les jeunes créateurs qui ne sont pas encore connus”.

Ainsi, en 2015, hormis l’album des Enfoirés, historiquement bien aidé, les aides les plus importantes étaient toutes destinées à des albums produits par les majors : Chimène Badi – Au-delà des maux (Universal) 184 912 €, Charles Aznavour – Encores (Universal) 166 470 €, Eddy Mitchell – Quelque chose a changé (Universal) 128 960 €, Sur la route des Enfoirés (Les Restaurants du Cœur) 127 780 €, Johnny Hallyday – De l’amour (Warner) – 115 932 € etc.

Ouh ! Ouh ! Les méchantes Majors laisse entendre Lelanceur.fr dans son édition du 1er juillet 2016. Ouh ! Ouh ! Le vilain journaliste réplique la SCPP* dans un droit de réponse publié le 18 juillet 2016*.

Lelanceur.fr* comme son nom l’indique est un site lanceur d’alerte généraliste visiblement peu calé en matière de music business. On fait court pour frapper fort mais le coup porté cache la misère et désinforme le public, toujours prêt à se faire une Major. Le destin des jeunes créateurs qui ne sont pas encore connus est sur les lèvres de tous les ministres de la culture à la langue bien pendue lorsqu’il s’agit de défendre le sort des pauvres artistes encore inconnus. Seulement voilà, la SCPP* est une société civile qui perçoit pour ses membres, en particuliers les Majors dont elle est l’exclusive représentante, les droits voisins aux droits d’auteur associés à la copie privée.

Selon copieprivée.org La rémunération pour copie privée est entièrement régie par la loi qui en organise les grands principes de collecte et de répartition. Le principe en est simple : lorsque vous achetez un support d’enregistrement ou un appareil permettant de stocker des copies de musique, de films, de livres, d’article de presse ou d’œuvre d’art, une part du prix de ce produit sert, d’un côté à rémunérer les auteurs, les artistes-interprètes et les producteurs, de l’autre à soutenir des initiatives culturelles.

Les majors produisent une grande quantité d’albums, dont ceux des artistes les plus populaires, par conséquent elles génèrent la plus grande part des sommes collectées par la SCPP*. Il est tout à fait normal qu’elles perçoivent en retour, de leur propre société de perception, une tranche importante des montants réservées aux aides à la production. En réalité, cet argent appartient aux membres de la SCPP qui le redistribue proportionnellement. Ce n’est pas un fond d’argent public destiné à la relève.

Lanceur d’alerte ou cracheur de bourdes ? Lorsque l’image proposée colle parfaitement aux préjugés établis, personne ne remet en question l’information reçue. Au contraire, on s’empresse de la retweeter, liker ou de la commenter d’un clou qui s’enfonce au paradis des critiqueurs anonymes du net.

C’est le montant du budget d’un album de Chimène Badi qui m’étonne. Sa maison de production aurait reçu 184 912 € d’aides et celles-ci sont plafonnées à 40% des frais de production, on peut en déduire que l’album (hors Marketing) a couté environ 500 000€. Pour le marché francophone actuel, c’est un investissement exorbitant.

En France, la copie privée participe au financement de l’industrie de la musique enregistrée, c’est indéniable. Hélas, de nombreux lobbies font pression sur les autorités pour irradier cette source de revenue où elle existe encore. Au Canada, la copie privée existe « encore » mais sous une forme complètement obsolète.

17 décembre 2016 – La Commission du droit d’auteur du Canada a rendu le tarif pour la copie privée pour 2017

Le tarif pour 2017 maintient la redevance pour la copie privée pour chaque unité de CD-R, CD-RW, CD-R auio et CD-RW audio qu taux actuel de 0.29$.

Mais qui donc grave « encore » des CD-R de musique aujourd’hui ? Si la copie privée ne s’applique pas aux supports modernes tels que les clefs USB, les téléphones, les disques durs, les ordinateurs, etc. autant abolir de facto le principe, c’est plus honnête et plus simple ! De plus, nous ne sommes qu’à quelques années de la fin du stockage de données sur des supports privés. L’air du temps est nuageux (le cloud), flottant (le streaming) et glissant surtout ! Et si nous prenions un peu d’avance sur notre propre sort pour changer ? Inventons de nouvelles règles adaptées à l’accès aux contenus et non à l’achat de supports de stockage…

La loi sur la copie privée au Canada ne va pas tellement dans le sens « tourné vers l’avenir » de la vision exprimée par l’honorable Mélanie Joly, ministre du Patrimoine dans son discours pour « Le Lancement de Canada Créatif  » le 28 septembre 2017 à Ottawa.

Si j’avais à conseiller un jeune artiste aujourd’hui, comme dirait mon grand-père, je l’inviterais à apprendre à lire le passé, compter au présent et écrire l’avenir.

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Les hauts et les bas d’une hôtesse de l’air d’Internet

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Mélanie Joly, honorable ministre du patrimoine canadien

« Nous n’avons pas l’intention de soutenir les modèles qui ne sont plus viables pour l’industrie. Nous préférons centrer notre aide sur l’innovation, l’expérimentation et la transition vers le numérique. »

(Toutes les citations sont extraites du discours de Mélanie Jolie, le 28 septembre 2017.)

L’honorable ministre du Patrimoine canadien en prend plein la bouille depuis qu’elle a présenté son « Cadre stratégique du Canada créatif » pavé de « bonnes intentions » il y a une petite semaine. Porte-drapeau-blanc d’une impuissance politique généralisée face aux pouvoirs du marché mondial et son cortège de traités planétaires, de transactions maousses, de chiffres d’affaires faramineux, de patrons impérieux, de boursicotages perfides et autres oh-là-là du commerce, la seule annonce vraiment concrète qu’elle ait faite concerne Netflix, la bête noire de la confrérie cinématographique. Mauvais terrain pour la com. Un conseiller aurait dû lui dire de ne pas trop ouvrir la brèche.

À moins que l’effet catastrophique « Netflix détaxé » n’ait été volontairement orchestré. Une annonce jeté dans la gueule du loup blanc médiatisé toujours prêt à mordre à l’appât d’une injustice scandaleuse et bien saignante. L’affaire Netflix serait-elle l’arbre qui cache la foret d’une politique culturelle générale inconsistante ? La technique se pratique couramment chez nos élus. C’est tellement gros qu’on peut se poser la question.

« Aujourd’hui, j’annonce la première de ces ententes au nom du gouvernement du Canada et de Netflix. Cette entente prévoit la création de Netflix Canada – une présence permanente en production cinématographique et télévisuelle ici même au Canada. C’est la première fois que Netflix assure ce genre de présence à l’extérieur des États-Unis. (…) Netflix a convenu d’investir au moins 500 millions de dollars dans des productions originales au Canada, dans les deux langues officielles, au cours des cinq prochaines années. »

De mes sommets alpins, je n’ai reçu que les éclaboussures des gros titres d’un milieu irrité à juste titre par les « congés fiscaux » de Netflix et autre GAFA. En même temps, on ne peut ignorer que tous les acteurs de la presse, des médias, de la culture, du divertissement, du cinéma etc. bénéficient d’un système fondé sur une mesure fiscale répandue dans les moindres craques du plus petit outfit arty d’Hochelaga-Maisonneuve. J’ai nommé le crédit d’impôt.* Pas de boulot dans l’audiovisuel sans son numéro BCPAC (Le Bureau de certification des produits audiovisuels canadiens). À bon entendeur… C’est triste à dire mais aucun modèle actuel ou concevable dans un proche avenir ne semble viable sans le soutien de l’état.

Dans les médias, influencers, chroniqueurs, journalistes, représentants syndicaux, stars, politiciens, ne parlent que de ça. La peau de banane Netflix fait le buzz. « Pourquoi ce qui est bon pour minou n’est pas bon pour pitou ? » dixit Julie Snyder (productrice TV) en présence de l’honorable ministre du patrimoine et des non moins honorables Gérald Fillion et Pierre-Yves McSween sur le plateau de l’émission Tout le monde en parle diffusée dimanche dernier. La réponse à la question de Madame Snyder pourrait être que minou est un petit minou et pitou un gros pitou !

Internet abolie les frontières et les états ont beaucoup de mal à imposer aux multinationales règles et taxes auxquelles sont soumises les entreprises locales, et ce dans tous les domaines. Les 6 à bientôt 7 millions d’abonnés Netflix canadiens sur 100 millions dans le monde ne pèsent peut-être pas si lourd dans la balance. En attendant, 7 millions d’utilisateurs payant 8.99$ par mois c’est 755 millions par an « non taxés » dans les caisses de Netflix. Quand même.

Tournons la page Netflix et son info viral « Avec pas de taxe » pour revenir à notre chère industrie de la musique. Madame Joly a évoqué à deux très brèves reprises la filière dans son discours du 28 septembre.

« En musique, nous aiderons les artistes et les entrepreneurs de la scène musicale à développer les compétences qu’il faut pour promouvoir leur musique ici et à l’international. Et nous allons éliminer les longs délais, mais surtout la paperasse. »

Super ! moins de paperasse c’est toujours ça de pris !

« Les musiciens canadiens sont connus partout dans le monde. Malgré la taille relativement petite de sa population, le Canada se classe au troisième rang des exportateurs de talents musicaux. Pour maintenir cette position enviable, nous moderniserons le Fonds de la musique du Canada afin d’aider nos artistes à se distinguer en dépit de la concurrence accrue à l’échelle mondiale.« 

Oui bon, merci Drake ! Sans lui, notre position au palmarès des exportateurs de talents serait moins glorieuse cette année aux dires d’une responsable SOCAN. Je me demande ce que le Fonds de la musique du Canada a bien pu faire pour aider le rappeur Drake à conquérir le marché mondial.

« Nous soutiendrons les artistes et les entrepreneurs du secteur canadien de la musique pour qu’ils percent sur le marché international, notamment par l’acquisition de compétences spécialisées en affaires, en promotion et en interprétation. »

Faudra qu’on m’explique de quoi elle cause ici. À vue de nez, « Acquisition de compétences spécialisées en affaires, en promotion et en interprétation » sonne comme un titre fourre tout de programme d’aides de la SODEC. Expression probablement du même auteur que : « Programme de sensibilisation à la chanson et de diffusion pour le milieu collégial » citée dans mon billet sur les subventions !

« Notre aide financière permettra aussi aux entrepreneurs de préparer des stratégies de commercialisation modernes et concurrentielles. Ainsi, la musique canadienne pourra se distinguer dans la masse des choix offerts aux auditeurs. »

Bon, on va coller une étiquette « made in Canada » aux oeuvres, ce qui devrait favoriser le développement d’un goût du public pour nos produits régionaux. Faut voir.

« Nous sommes conscients des différents moyens qui servent maintenant à publier, diffuser et consommer de la musique. Par conséquent, le Fonds de la musique du Canada va appuyer une variété de formats musicaux. De plus, il favorisera davantage l’innovation et la prise de risques afin de mieux soutenir les artistes canadiens et d’accroître leurs auditoires, que ce soit au moyen de prestations en ligne ou en direct. D’autres changements au programme seront annoncés au cours de la prochaine année et des lignes directrices révisées seront mises en œuvre en 2019‑2020. »

Très bien. Commençons par convaincre les membres de l’ADISQ et les artistes récalcitrants de l’intérêt d’une distribution mondiale de tout leur catalogue, toutes plateformes de streaming confondues. Au Québec, l’industrie boude systématiquement ces services depuis leur invention, impulse une opinion public défavorable, ce qui a eu pour effet de freiner le développent d’un marché déjà très conséquent ailleurs et à terme incontournable.

Le sujet du financement de la musique enregistrée fait couler beaucoup d’encre chaque année  juste avant le Gala de l’ADISQ et ce que je raconte ici, et dans mon billet Sur la piste minée des aides et subventions plus haut, ne va certainement pas dans le bon sens, c’est-à-dire dans le sens du poil de la bête industrielle élevée sur la ferme de grand-papa à l’ère du 33 tours et des subventions. Le modèle bat de l’aile ? Achevons-le d’un coup fatal et repartons courageusement de zéro, c’est le cas de le dire, du numérique, d’un environnement 2.0, 3.0… 10.0 ! C’est ce monde qui nous attend ou plutôt qui n’attendra pas. Nos bonzes du culturellement correct donnent l’impression de prier pour que le nouveau monde (numérique) s’adapte à leur vieux modèle (physique). Lorsqu’un type part en croisade en brandissant le logo « sauvons les artistes », je ne peux m’empêcher de voir dans son ombre un artiste, caution souvent de son plein gré, d’un système qui le méprise sauf exception.

Madame Joly, j’ose vous faire part en toute humilité de 3 petites recommandations… entre vous et moi et avec humour.

  • Honorable ministre du patrimoine canadien, ça fait vieux jeu et pas du tout 2.0. Vous pourriez peut-être envisager de changer de titre de votre poste. Tant que vous y êtes.
  • La législation pour la légalisation du Cannabis en cours au Canada va faire entrer pas mal de nouvel argent, comme vous dites, dans les coffres de l’état. Je vous suggère d’en réinjecter une bonne dose dans la culture et le divertissement. Ce serait un bon retour sur investissement pour la filière bien connue pour ses penchants festifs.
  • Dans vos prochains discours, pensez à faire une annonce concrète en faveur de la presse, vous l’aurez plus facile en promo.

Au Québec la maison brûle. Mais comment la presse anglophone canadienne, voire américaine a-t-elle réagi à « L’affaire Netflix »?  Justin Trudeau, notre premier ministre québécois, tout comme sa ministre du patrimoine Mélanie Joly ont beau naturellement avoir à coeur notre langue et notre culture, le Canada est un pays majoritairement anglophone.

Revue de presse Anglo

L’Ottawa Citezen titre « Heritage Minister Joly savaged in her home province over French-free agreement with Netflix« . Pour Graeme Hamilton, Mélanie Joly qualifiée de « jeune dynamo » sensée renforcer l’image du partie Libéral dans la belle province a échoué à obtenir de Netflix un engagement ferme dans la production de contenu francophone. Il rappelle aux lecteurs de la capitale que la ministre s’est vue affublé par la presse du surnom de « belle cassette » en raison de sa tendance à réciter des réponses scriptées, quelle que soit la question. Un lecteur commentant l’article se dit heureux de l’absence de français et de taxe sur la plateforme. Il se demande s’il rêve, espère que ce n’est pas une fake news et affirme que c’est la meilleure nouvelle qu’il n’ait jamais entendu…

La journaliste Chantal Hébert du Toronto Star affirme qu’il y a à peine une demie-douzaine de films dans la catégorie « French-Canadian film » sur Netlfix et que la plupart sont des traductions de films anglophones. Elle doute fort que les québécois Jean-Marc Vallée, Denis Villeneuve et Xavier Dolan, aux succès évoqués par Mélanie Joly, attirent les cadres de Netflix pour leur qualité de francophone.

Pour Irene Berkowitz dans The Globe & Mail, il y a cinq bonnes raisons d’aimer l’entente Netflix concoctée par la ministre du patrimoine Mélanie Joly.

  • 1 La compétition stimulant la créativité fera monter en gamme le niveau des productions locales.
  • 2 L’arrivée d’un gros joueur privé devrait donner un coup de fouet aux diffuseurs publics, premiers partenaires des maisons de productions, contraints par la loi de produire local sans obligation de résultat.
  • 3 Netflix n’investira que dans les produits bons pour l’exportation.
  • 4 La création d’emplois.
  • 5 La carotte, pas le bâton. Si Netflix fait du profit avec ses investissements sur le territoire, elle va rester. La journaliste félicite Mélanie Joly pour ce qu’elle dit ne plus vouloir faire : soutenir des modèles improductifs.

Je ne suis pas certaine que la rentabilité soit toujours un gage de qualité mais bon. Je dis ça, je ne dis rien.

En Amérique, on pouvait s’y attendre, la nouvelle à 400 000 $ US d’investissement au Canada sur 5 ans n’a pas fait grand bruit. Je n’ai trouvé qu’une dépêche de Reuters publiée sur le site du New York Times. La communication de Netflix aux États-Unis ne joue pas dans la même catégorie. Ted Sarandos, patron de Netflix, élu Show man of the year 2017 par le  magazine Variety y confirme un budget de 7 milliards de dollars pour l’acquisition (surtout) et la production (originale) de contenus l’an prochain. Il espère d’ici quelques années franchir le cap des 50/50.

Va-t-il sauvé ou ruiner Hollywood ? Disney, Marvel et tous les grands Nerworks auraient du soucis à se faire.

°°°

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After

Le billet Sur la piste minée des aides et subventions repose sur de sérieuses recherches et observations menées durant plusieurs années. Ceci explique l’abondance des notes, des références et des liens qui suivent. Le lecteur, en particulier le jeune artiste, pourra approfondir le sujet et se faire une idée personnelle en fouillant mes sources, tout y est au grand jour et bien sûr remis à jour au fil des publications officielles des organismes et des sociétés cités. Les chiffres évoqués dans l’histoire de Tom & Jerry sont réels et proviennent de l’étude d’un cas précis (2012-2016) que je qualifierais « d’école » tant il démontre (à l’extrême certes) à quel point le modèle d’affaire de ces entreprises culturelles québécoises dites indépendantes s’appuie sur un système conçu et entretenu par leurs dirigeants pour leurs intérêts et non ceux des artistes tenus de céder leurs droits perpétuels afin d’accéder aux aides ponctuelles à la production. Pour schématiser : l’artiste crée, le public finance (volontairement ou non) et les oeuvres appartiennent à l’entreprise. Seuls les artistes devenus eux-mêmes entrepreneurs peuvent tirer leur épingle d’un jeu qu’ils ne peuvent maitriser autrement.

Le grand passage à l’ère du numérique est peut-être pour nous une dernière occasion avant longtemps d’inverser une échelle de valeurs où les créateurs  errent sous la dépendance des entrepreneurs accros aux subventions.

NOTES

*Daniel-Mercier Gouin, Docteur en économie du développement, décembre 1987, Université des Sciences sociales de Grenoble II. Professeur au Département d’économie agroalimentaire et des sciences de la consommation, Université Laval, Québec.

* Dr. Sylvain Charlebois, professeur titulaire à la Faculté en Management et en Agriculture à l’Université Dalhousie à Halifax (Canada). Depuis 2001, il contribue régulièrement aux pages éditoriales du Globe and Mail et de La Presse comme expert dans le domaine agroalimentaire.

« Agriculteurs québécois » : 770 millions de subventions aux producteurs – La Presse – le 24 juillet 2010 – Hugo Fontaine.

*MUSICACTION, une organisation à but non lucratif, a été fondée en août 1985 à l’initiative des professionnels de la radio et de l’industrie du disque et du spectacle. Depuis 30 ans, la Fondation encourage le développement de la musique en soutenant la production et la commercialisation d’enregistrements sonores ainsi que les activités de promotion collective.  Les projets de musique anglophone sont dirigés vers FACTOR. Depuis la création du Fonds de la musique du Canada en 2002, MUSICACTION administre les volets Nouvelles œuvres musicales et Initiatives collectives par une contribution annuelle de près de six millions de dollars du ministère du Patrimoine canadien et de trois millions de dollars des radiodiffuseurs privés. Bell Média, Cogeco Diffusion, RNC Media, Sirius XM et Stingray sont de ce nombre. MUSICACTION administre également le FONDS RADIOSTAR destiné à la commercialisation d’albums de musique vocale francophone au Canada. – Source Site MUSICACTION.

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* FONDS RADIOSTAR : (ACR) L’Association canadienne des radiodiffuseurs et (ADISQ) l’Association québécoise de l’industrie du disque, du spectacle et de la vidéo ont lancé officiellement le programme FONDS RADIOSTAR le 13 août 2001. Ce programme d’aide financière vise à soutenir les projets de promotion et de commercialisation d’albums de musique vocale francophone.

*SODEC : La Société de développement des entreprises culturelles participe à l’essor des entreprises et au rayonnement des œuvres. La SODEC est une société du gouvernement du Québec qui relève de la ministre de la Culture et des Communications. Elle soutient la production et la diffusion de la culture québécoise dans le champ des industries culturelles. Depuis 1995, la SODEC poursuit résolument son mandat : promouvoir et soutenir l’implantation et le développement des entreprises culturelles, y compris les médias, dans toutes les régions du Québec. De plus, elle détient une mission de protection et de mise en valeur d’un parc immobilier patrimonial.

N.d.l’a – Selon le rapport annuel de gestion 2014 – 2015 de la SODEC, voici la répartition de l’ensemble des interventions financières pour l’aide à la Musique et aux Variétés  :

  • programmes généraux : 9 114 165 $  
  • programme destiné à l’exportation et au rayonnement culturel : 1 665 667 $, 
  • financement des entreprises : 300 000$.
  • Pour la production de spectacles musicaux : financement intérimaire 543 918 $ et montant pressenti du crédit d’impôts – 11 814 162 $.

Selon le rapport annuel de gestion pour l’année suivante 2015-2016 :

  • programmes généraux : 7 977 095 $
  • programme destiné à l’exportation et au rayonnement culturel : 2 394 644 $
  • financement des entreprises : 850 000 $
  • Pour la production de spectacles musicaux : financement intérimaire 894 585 $ et montant pressenti du crédit d’impôts – 16 665 362 $

La répartition des aides diffère mais augmente. Le détail des montants perçus par société et par projet artistique peut être consulté en ligne, page 168 pour le « Programme d’aide aux entreprises en musique et variétés 2015-2016 ».

*FMC – Fond de la Musique du Canada. Volet « music » de « Patrimoine Canadien ». FMC offre une aide financière aux entreprises canadiennes d’enregistrement sonore admissibles pour produire et faire la promotion d’enregistrements sonores canadiens. Le ministre du Patrimoine canadien (en anglais : Minister of Canadian Heritage) est le ministre responsable de la politique en matière de culture, de communications et des sports au sein du gouvernement fédéral du Canada. Depuis 2008, le ministre du Patrimoine canadien est également responsable du portefeuille des langues officielles.

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  • En jaune, les sociétés québécoises dont 2 maisons de production de musique classique (Analekta et Atma).
  • En rouge, les noms des principales personnalités dirigeantes ou maisons propriétaires.

*ADISQ Fondée en 1978 pour défendre les intérêts de ses membres et favoriser le développement de l’industrie de la musique au Québec, l’Association québécoise de l’industrie du disque, du spectacle et de la vidéo (ADISQ) est une association professionnelle sans but lucratif. L’ADISQ organise les galas annuels de l’industrie.

*CALQ – Le Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ) est une société d’État créée en 1994 par le gouvernement du Québec. Dans une perspective de développement culturel, le CALQ a pour mission de soutenir, dans toutes les régions du Québec, la création artistique et littéraire, l’expérimentation, la production et la diffusion. Les domaines dans lesquels le CALQ exerce ses attributions sont la littérature et le conte, les arts de la scène (théâtre, danse, musique, chanson, arts du cirque) les arts multidisciplinaires, les arts médiatiques (arts numériques, cinéma et vidéo), les arts visuels, les métiers d’art ainsi que la recherche architecturale. Le CALQ soutient également le rayonnement des artistes, des écrivains, des organismes artistiques et de leurs oeuvres, que ce soit au Québec, ailleurs au Canada ou à l’étranger. Source le site CALQ

*EQUIPE SPECTRA – Fondée en 1977 par Alain Simard, André Ménard et Denyse McCann, L’Équipe Spectra c’est : le Festival International de Jazz de Montréal, Les FrancoFolies de Montréal et Montréal en lumière, qui célèbrent la musique, les arts et la gastronomie ; la maison de disques Spectra Musique ; La Maison du Festival, au coeur du Quartier des spectacles ; Une agence d’artistes ; Trois salles de spectacles : le Métropolis, Le Savoy et L’Astral  et un service des plus complets d’organisation d’événements d’entreprises et de commandite culturelle. Depuis 2013, le Groupe CH (Famille Molson) est propriétaire de SPECTRA.

*EVENKO est une entreprise québécoise devenue le plus important promoteur / producteur / diffuseur indépendant au Canada. Produisant annuellement plus de 1 200 événements musicaux, familiaux, sportifs partout au Québec, dans les provinces de l’Atlantique et dans le nord-est des États-Unis, Evenko présente les plus grands artistes internationaux et investit dans le développement et la promotion des artistes du Québec. Idéateur et producteur de quatre festivals, soit le Festival musique et arts Osheaga, Heavy MONTRÉAL et ÎleSoniq qui se tiennent au parc Jean-Drapeau à Montréal, ainsi que le Festival YUL EAT. evenko est aussi le gestionnaire exclusif du Centre Bell, du Théâtre Corona et de la future Place Bell à Laval. En janvier 2016, Pollstar, le magazine américain le plus respecté de l’industrie du divertissement, classait evenko au premier rang des plus importants promoteurs au Canada et au 8e rang en Amérique du Nord. La marque de commerce Evenko est la propriété de l’Aréna des Canadiens Inc. – Source evenko.ca

*CENTRE BELL – Le Centre Bell, auparavant connu sous le nom de Centre Molson, est un amphithéâtre situé à Montréal, au Québec (Canada). Il s’agit du domicile des Canadiens de Montréal de la Ligue nationale de hockey. D’une capacité de 21 288 places pour le hockey sur glace, la salle possède 135 suites de luxe et 2 674 sièges de club. Propriétaire : Groupe CH (Famille Molson)

*MOLSON COORS – Molson Coors Brewing Company est une compagnie créée par la fusion de deux grandes brasseries nord-américaines : Molson du Canada et Coors des États-Unis. Avec l’acquisition en 2016 d’une participation de 58 % de SABMiller dans MillerCoors (« MillerCoors »), ainsi que le portefeuille de la marque Miller® à l’extérieur des États-Unis, Molson Coors devient le troisième plus grand brasseur au monde.

*Bouillon de culture, une série de dix articles publiés dans le quotidien québécois Le Devoir – Dessiner le public de demain – 25 juin 2016 | Le Devoir – Interview de Martin Petit – Propos recueillis par Manon Dumais     .

* BAAM – Brigade Arts Affaires de Montréal (rien que le nom j’adore ! la proposition aussi tient debout) se définie en ces termes : nous sommes des femmes et des hommes de la relève d’affaires de Montréal et nous posons des gestes concrets afin de créer des liens durables avec les organismes culturels et les artistes montréalais. On dit souvent que les arts sans les affaires sont dénués de moyens et que les affaires sans les arts sont dénuées de sens. BAAM c’est la fusion des arts et des affaires. C’est un cri de ralliement de la relève d’affaires en faveur des arts et des artistes.

* SACEM La Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique est une société de gestion des droits d’auteur. Société privée à but non lucratif1, contrôlée par la Commission de contrôle, émanation de la Cour des Comptes, les administrations fiscales et sociales, un commissaire aux comptes et ses sociétaires. Créée le 28 février 1851, elle a pour mission principale d’assurer la collecte et la répartition des droits dus aux auteurs, compositeurs et éditeurs de musique qui sont ses membres. Si certaines formules alternatives, comme la musique libre, se sont peu à peu développées, la Sacem représente l’immense majorité du répertoire musical, avec 157 000 sociétaires et plus de 90 millions d’œuvres représentées. Elle est membre de la Confédération Internationale des Sociétés d’Auteurs et Compositeurs (Cisac), fondée en 1926. La SDRM, Société pour l’administration du droit de reproduction mécanique des auteurs, compositeurs et éditeurs, associé à la SACEM, administre aussi les droits voisins et la copie privée pour ses membres. Source SACEM.

*ADAMI La Société civile pour l’administration des droits des artistes et musiciens interprètes est une société française de perception et de répartition des droits de propriété intellectuelle des artistes interprètes. Ces droits sont des droits voisins des droits d’auteur. Créée en 1955 par et pour les artistes, l’Adami gère les droits des comédiens, des danseurs solistes et, pour le secteur musical, ceux des artistes-interprètes : chanteurs, musiciens solistes et chefs d’orchestre, pour la diffusion de leur travail enregistré. Source WIKI

*SPPF Créée par des Producteurs Indépendants, pour répartir les droits des seuls Producteurs Indépendants, la SPPF est davantage qu’une simple société de perception et de répartition de droits. C’est aussi un outil de réflexion projeté sur l’avenir du métier de Producteur de phonogrammes : avec le développement de la technique numérique et des nouveaux canaux de diffusion, comme l’Internet, on assiste à l’émergence de nouvelles formes d’exploitation qui vont bouleverser la gestion de vos droits de Producteurs. C’est pourquoi, il est fondamental que les Indépendants puissent faire entendre leur voix au travers d’un instrument qui leur est propre : la SPPF. Source site SPPF

*SCPP Société de perception et de répartition des rémunérations perçues pour le compte de ses membres auprès des utilisateurs de phonogrammes et de vidéomusiques. Si plus de 2 340 producteurs sont actuellement membres de la SCPP, elle représente principalement les sociétés internationales comme Sony Music France, Universal et Warner.

*FCM Le Fonds pour la création musicale est une association qui regroupe les sociétés civiles de perception et de répartition des droits d’auteur et des droits voisins (SACEM, SACD, Adami, Spedidam, SCPP, SPPF, etc.), des organisations professionnelles et syndicales, ainsi que les pouvoirs publics autour de programmes d’aide à la filière musicale. Il apporte son soutien à la production et à la diffusion du spectacle vivant (concerts, tournées), aux festivals, à l’export, à la création lyrique contemporaine et au théâtre musical. Ses aides bénéficient aussi à la production phonographique, de vidéomusiques et dans le domaine de l’audiovisuel musical. Enfin, il intervient auprès d’organismes de formation d’artistes et dispose d’un fonds dédié à l’édition. Les dossiers de demande d’aide doivent être déposés impérativement au plus tard un mois avant la date de réunion de la commission gérant le programme concerné (le calendrier est indiqué en ligne sur chaque fiche explicative des commissions).

*Aznavour, Mitchell, Hallyday : les “jeunes créateurs” les plus aidés en 2015 – Lelanceur.fr – 1er juillet 2016

*Aides à la création musicale : la mauvaise foi de la SCPP – Lelanceur.fr – 18 juillet 2016 (Lelanceur persiste alors que le journaliste devrait admettre qu’il n’a pas compris le mécanisme. Très difficile de faire tomber les préjugés.)

*JurisPedia: Redevance pour copie privée en Europe, pour les juristes ou pinailleurs comme moi !

*La copie privée par pays sur Wikipedia. (Attention les lignes bougent constamment. Si vous en avez la possibilité, creuser l’info qui n’est peut-être pas à jour sur cette page.)

*La société canadienne pour la copie privée.

*Extrait du rapport annuel de gestion 20152016 de la SODEC

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3 pensées

  1. Excellentes et judicieuses observations.

    Tout le système public de soutien à la culture favorise manifestement les intérêts pécuniaires des producteurs et des entreprises culturelles, plutôt que de véritablement accompagner et soutenir les auteurs, les créateurs et les artistes, lesquels sont pourtant absolument incontournables et irremplaçables pour faire éclore l’expression créative québécoise.

    De telles disproportions et iniquités de la part de nos instances culturelles – envers la production plutôt que la création – illustrent le déclin de notre expression culturelle auprès du public, mais aussi une amplification dérangeante de l’enrichissement des producteurs et de l’appauvrissement des artistes et des auteurs.

    Avec ces mécanismes de soutien public à la culture, il est paradoxal de constater que les honoraires des producteurs et les revenus des entreprises soient calculés comme un avantageux pourcentage des diverses aides et subventions, plutôt que comme un « retour financier » lié aux efforts et aux risques qu’ils assument en vue valoriser les oeuvres et les créateurs auprès du public québécois et des marchés culturels internationaux.

    Pour un producteur « chevronné », il vaut mieux se consacrer à entretenir ses accointances, à miser sur la quantité plutôt que sur la qualité, et surtout, à chercher à produire au coût le plus élevé pour toucher le même pourcentage… mais sur des subventions plus importantes. Le meilleur pactole est une production culturelle onéreuse avec la diffusion la plus limitée possible afin de recommencer au plus vite une autre production – idéalement avec d’autres artistes et créateurs – afin de toucher avec récurrence des revenus de subvention toujours en croissance et, bien sûr, aussi facilement acquis si on appartient au cercle d’initiés et d’influence.

    Vivement une véritable politique culturelle qui place singulièrement la création et les artistes au coeur de ce « système financier » !

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