On dira ce qu’on voudra… Le Streaming !

Le Streaming, on en cause ce soir à 20 h 30, dans l’émission de Rebecca Makonnen : « On dira ce qu’on voudra ».

Ce 2/2/2022 (jolie date :-), j’ai été l’une des 4 invités de Rebecca Makonnen sur l’antenne de Radio-Canada. Le sujet du jour : le Streaming bien sûr. L’émission fut enregistrée cet après-midi et, c’est à partir de quelques-unes des questions envoyées à l’avance par la recherchiste de l’émission que j’ai rédigé ce post.

Quelle est votre position quant à la dématérialisation de la musique, en général ?

Je n’aime pas beaucoup l’expression « dématérialisation de la musique ».

La définition du dictionnaire : Action de dématérialiser*, résultat de cette action.

Action ou fait de rendre immatériel*, d’ôter la matière* concrète, les éléments matériels de…

Je préfère parler de « nouveaux formats, de nouveaux supports de fixation » de contenus. La matière c’est la musique pas le support.

Quelle est votre plateforme d’écoute la plus fréquente, et pourquoi ?

Spotify, pour les algorithmes. À force de créer mes playlists, de cocher les morceaux que j’aime, de chiner, le service affine sa sélection des titres inclus dans les playlists hebdomadaires « mes sorties du vendredi et découvertes de la semaine le lundi ». Je préfère Qobuz et Tidal pour la qualité du son, Deezer pour la musique francophone, YouTube pour ses vidéos, etc… Abonnée à plusieurs plateformes, je bascule de l’une à l’autre. À la maison, j’utilise un « tuner » Cambrigde Audio pour capter les plateformes, ce qui permet d’écouter la musique en Hi-Res 24 bit – 96.0 khz lorsque ces résolutions sont disponibles sur Qobuz et Tidal. Quand on a la chance d’avoir un bon système de son (Jean Maurer chez moi, Bowers & Wilkens dans la voiture), ça vaut vraiment la peine de choisir une plateforme d’écoute en ligne adaptée.

Est-ce nécessaire, à votre avis, d’être sur toutes les plateformes disponibles en tant qu’artiste ?  Les artistes devraient-ils choisir le ou les services qui leur conviennent, ou viser le plus de points de visibilité possibles ?

Selon moi, on doit d’abord et avant tout avoir un sérieux distributeur de musique en ligne qui sait, en fonction du genre musical, proposer le bon répertoire aux bonnes plateformes, en faire le suivi, favoriser les mises en avant… Il existe beaucoup plus de plateformes qu’on ne l’imagine. Un peu moins de bons distributeurs.

Musique en QUB et la distribution de musique en ligne

(aparté rajoutée le 27 février 2022, d’après un article publié le même jour)

À partir de mon cas, je vais tenter d’établir deux ou trois vérités sur la distribution de musique en ligne.

IDOL distribue mon dernier album « Haïku«  sur plus d’une cinquantaine de plateformes actives. Les géantes, les nichées, les audiovisuelles, YouTube, Spotify, Apple Music, Amazon, Deezer, Qobuz, Tidal, TikTok, FB, MusicMe, Soundcloud…. et des dizaines d’autres.

Parmi toutes les plateformes présentes sur le portail d’IDOL, il en existe qui ne sont pas à proprement parler des plateformes de streaming classiques. Citons : Yacast, une société d’études et de technologie spécialisée dans la veille des médias audiovisuels. La russe United Media Agency (UMA) fournit un service musical aux clients directement et en B2B avec le groupe Mail.ru. Shazam, que tout le monde connaît, permet d’identifier les morceaux qu’on entend à la volée. Jaxta, un site que je vous recommande vivement, s’est donné pour mission de compiler la base de données la plus exhaustive au monde des crédits musicaux officiels.

Mon album jazz « Docteur Boris & Mister Vian » apparait sur toutes les plateformes où l’on trouve « Haïku » mais aussi sur quelques-autres : 24-7, Akazoo, Beezik, Bloom FM, eMusic, Findspire, Fnac, JB Hifi Now, Musiwave – Xbox, RDio…

Le classique « En flèche«  est répertorié sur plus de 80 plateformes. Les distributeurs proposent, les plateformes disposent, en fonction du style de répertoire, de la notoriété des artistes ou des œuvres, entre autres critères de sélection.

Tout ça pour dire que la distribution de musique en ligne est une activité très complexe à laquelle il faut ajouter la collecte des revenus qu’elle engendre et la rémunération des ayants-droits, qu’ils soient créateurs de contenus, investisseurs, services, licenciés, passeurs ou héritiers.

Je ne saurais vous dire combien de plateformes existent dans le monde. Je ne produis pas de hip-hop, chante en français, suis de ma génération…, des faits qui influent sur la distribution des fruits de mon travail. Toutefois je constate que le ReMix En continu d’Olaf Hund est distribué sur Beatport, Bmat, Muve, Snowite,Zvooq… des plateformes qui n’ont pas choisi l’artiste, juste le titre.

J’ai remarqué, que la plateforme QUB n’apparait pas sur le portail mon distributeur IDOL en ce qui me concerne. Deux explications sont possibles : soit mes albums ne sont pas disponibles sur QUB, ce dont je doute, soit le catalogue des artistes présents sur QoBuz (c’est mon cas) n’est pas géré par QUB. La maison française donne accès à son répertoire clefs en main, service compris. Oh mais vous ne le saviez pas ? QUB et Qobuz sont… cousin cousine !

A propos de l’accord Qobuz – QUB

Lu dans la presse.

Au-delà de la douzaine de pays où elle est disponible en tant que telle, à savoir France, Royaume-Uni, Irlande, Allemagne, Autriche, Belgique, Suisse, Luxembourg, Pays-Bas, Espagne, Italie et Etats-Unis, la plateforme française Qobuz se déploie aussi ailleurs dans le monde selon une stratégie de licences (en marque blanche). C’est le cas avec le groupe de médias et de télécoms Québecor, dont le « partenariat à la fois stratégique et financier – via sa maison mère Xandrie – s’est concrétisé en mai par le lancement de la plateforme « Qub musique ».

Il y aurait beaucoup à dire sur le sujet. L’idée est bonne. Imaginez que Spotify ait une vitrine locale dans chacun des pays où la plateforme est présente. Un vestibule qui tienne compte de l’identité culturelle du pays. Les saintes portes de la découvrabilité, comme on dit, s’ouvriraient de partout. L’entreprise Québecor a choisi ce modèle. La licence en marque blanche lui permet d’afficher une image locale où Qobuz n’apparait absolument pas. Le problème c’est que Québecor possède plusieurs maisons de disques et d’édition. La tentation de mettre en vitrine les artistes Musicor, Audiogram, Editorial Avenue, MP3 disques entre autres… est irrésistible et surtout inévitable. Il est dommage que Québecor n’ait pas souhaité proposer à ses abonnés le son Hi-Res de Qobuz, une vraie valeur ajoutée. Non, le plan com de QUB vise la clientèle Panier Bleu pas les geeks de son. Et l’étique qu’elle revendique, si favorable aux artistes comme l’écrit Charles-Éric Blais-Poulin dans La Presse du 23 février 2022, L’équipe NumériQ, filiale de Québecor, calcule qu’elle remet 6,38 $ à l’industrie locale par abonnement mensuel, tandis que les autres services canadiens comme Spotify et Apple Music redistribueraient seulement 0,56 $. Waouw…. Alors là, je demande à voir une présentation précise démontrant que cette affirmation n’est pas juste un mot d’auteur de communiqué de presse, un spécialiste du story telling pas là pour nous donner un cours de gestion de droits.

Ça me rappelle le buzz « Jean-Leloup/Paradis City » en 2015, rappelez-vous :

« On voit que Paradis City a été écouté plus de 262 000 fois. Avec la rémunération au Canada qui est de 10,2 cents par 1000 écoutes, ça veut dire que la chanson rapporte 26 $. » (Vendredi 6 novembre 2015 – Radio Canada)

5 mois plus tard :

Le chiffre fait image. En 2015, les quelque 540 000 écoutes Spotify de la chanson Paradis City de Jean Leloup lui auront rapporté… un peu moins de 30 $ pour ses droits d’interprète. (Le 2 avril 2016 |Guillaume Bourgault-Côté | LE DEVOIR)

Une affirmation chewing-gum copiée-collée à la semelle de l’industrie durant…. des années.

J’espère publier bientôt un article détaillé sur le concept de stratégie de licences en marque blanche. Avec cet accord, QUB aurait accès à l’ensemble du répertoire QoBuz et pourrait, de son côté, ajouter à cette offre le répertoire d’artistes locaux non disponible sur la plateforme française. Ceci expliquerait pourquoi QUB n’apparaît pas dans la liste des plateformes qui me « diffusent ». Depuis la presque disparition du download de fichiers-son, on peut parler de diffusion… à la carte, à la demande, à ce que vous voulez. Ces services proposent des millions de morceaux, les consommateurs s’abonnent, payent pour avoir accès au répertoire ou supportent la publicité, un choix plus restreint, un son compressé… s’ils ne veulent pas investir 100-120 $ € £ par an pour écouter de la musique.

Voilà le modèle et tous ses variants. Le modèle va rester, les variants vont se succéder, remplaçant les uns, s’ajoutant aux autres.

À la question posée par Rebecca dans son émission du 22 février 2022 « On dira ce qu’on voudra » – Est-ce nécessaire, à votre avis, d’être sur toutes les plateformes disponibles en tant qu’artiste ? Je réponds : plus les œuvres d’un artiste sont présentes en ligne, plus grandes sont ses chances de toucher des redevances.

(fin de l’aparté Musique en QUB)

Vivez-vous des frustrations par rapport à certains services d’écoute en ligne ? Si oui, quelles frustrations, et par rapport à quel service ?

Principalement 3 frustrations, toutes plateformes confondues.

  1. Lorsqu’un auditeur navigue sur la « page » d’un artiste, il existe en général une section : les fans de X ont aussi aimé Y Z …. Ces liens, parfois assez farfelus, sont créés à partir du genre (féminin, masculin, groupe), du pays d’origine, de la génération de l’artiste ou de la date d’enregistrement des titres les plus connus. C’est dommage car ceci limite les connexions entre artistes plus en phase musicalement les uns avec les autres.
  2. La chanson francophone « at large » a du mal à exister sur les plateformes. À part STROMAE -11 Millions d’auditeurs par mois sur Spotify et Angèle – 6 Millions, les rappeurs et autres exceptions, les artistes francophones de cette jeune génération stagnent autour du million d’auditeurs par mois (tous mes exemples concernent la plateforme Spotify car ces chiffres sont publiques). Ceux de ma génération et celles d’avant, (50, 60, 70, 80) n’atteignent pas, pour les plus populaires, le million d’auditeurs par mois. En revanche, Nina Simone – 7 M , Elis Regina 2 M, T Rex 3 M, David Bowie 16 M d’auditeur par mois, et tant d’autres « artistes classiques » sont très suivis. Même Neil Young, qui a récemment retiré son catalogue de cette plateforme, continue d’y être écouté, grâce aux grands succès inclus dans des compilations toujours en ligne. Il est passé d’environ 1M d’écoutes par jour à 500 000, ce qui n’est pas négligeable. FYI, The Weekend – 83 M d’auditeurs par mois, et Drake 53 M, font partie des grands gagnants de ce modèle d’affaire. Cette popularité génère environ 30 M d’écoutes en moyenne par jour avec des pics à 200 M. C’est énorme et très payant. J’estime ball park que les seuls droits phono d’un artiste de ce niveau peuvent rapporter au Label jusqu’à 500 000 $ par mois.
  3. Autre point très frustrant : Les droits d’auteurs et d’éditions de chansons génèrent dix fois moins de revenus que les droits phonographiques versés aux ayants-droits propriétaires des bandes-maitresses, c’est à dire des enregistrements.

Comment ta position a évolué depuis que tu t’y intéresses ?

J’ai signé tout mon catalogue phono (tous mes albums, les enregistrements de mes chansons) chez IDOL en 2011. Je n’ai jamais regretté ce choix de favoriser, dès cette époque, la distribution numérique. Plusieurs avantages rarement cités me semblent aujourd’hui évidents.

1) La disponibilité de l’ensemble des œuvres d’un artiste sur les plateformes et ce dans le monde entier permet son accès illimité. La distribution physique, avec ses contraintes de gestion d’espace-magasins, coût de fabrication, stockage et transport de marchandise, ne m’a jamais permis d’exister commercialement en dehors des périodes de lancement d’un nouvel album et autres compilations.

2) Les revenus sont réguliers et en constante augmentation compte tenu de l’adhésion aux plateformes de plus en plus massive du public. L’ancien modèle n’offrait pas cela. On touchait une avance avant la sortie de l’album, un peu plus en cas de succès puis plus rien jusqu’au prochain opus. Bien sûr, il faut être beaucoup écouté en ligne, limiter le nombre d’intermédiaires ou leur appétit financier, pour que les revenus des artistes soient convenables.

3) Le « data » à disposition sur le portail d’un bon distributeur est considérable. Des décomptes de royalties aux outils d’analyses, tout le commerce y est détaillé à l’extrême. Un outil de travail fantastique jamais égalé à la grande époque de la distribution physique.

Est-ce qu’il y a un autre aspect du sujet que vous aimeriez aborder ?

  • La plus importante plateforme de streaming reste YouTube. D’après une enquête (3 ans en arrière) une chanson sur 2 (toutes plateformes confondues) est écoutée sur YouTube. YouTube a la réputation de moins rémunérer les ayants-droits. Les utilisateurs de la plateforme sont si nombreux qu’au final, YouTube représentent 30% des revenus générés par la distribution de mon catalogue en ligne.
  • Chez moi, 99% des revenus de streaming proviennent de mon Back Catalogue (les tubes). D’où l’intérêt de conserver le contrôle de ses œuvres sa vie durant. Travailler avec des équipes oui, le partage des revenus aussi mais, quand la collaboration prend fin, on repart avec ses meubles, s’installer ailleurs avec d’autres partenaires.
  • On accuse à tort les plateformes de ne pas suffisamment rémunérer les artistes. Les plateformes cèdent de 70-75% de leur chiffre d’affaires aux ayants-droits. Premier stop, les distributeurs : Beleive, IDOL, Sony, BMG, Warner, Universal…. etc.
  • La source des revenus : Abonnements/Publicité.
  • La chaine de redistribution des revenus : Plateforme ➡️ Distributeur ➡️ Label ➡️ Producteur ➡️ Maison de gérance/Agence/Gestionnaire ➡️ Groupe ou artiste. C’est dans cette série d’intermédiaires qu’il faut chercher le ou les maillons faibles, pas à la source.
  • Les Playlists ont remplacé les Palmarès (hit-parade). Plus on intègre les playlists populaires plus on a de chances d’être entendu (découvert). Malheureusement, la plupart des utilisateurs de plateformes sont moins engagés aujourd’hui que les acheteurs de vinyles des années 70 !!! Avoir accès à 50 M de titres sur son portable devrait inciter à la curiosité. Est-ce le cas ? Pas certaine.

On dira ce qu’on voudra… Tirer son épingle du jeu numérique pour un artiste, tirer quelques profits de sa musique enregistrée, ça reste un casse-tête à se tirer les cheveux !!!


LIENS


On dira ce qu’on voudra avec Rebecca Macconen à Radio-Canada

En concert à partir du 20 Mars 2022

Diane Tell sur YouTube

Ma dernière playlist sur QoBuz

Qobuz Partners With Québecor To Launch QUB Musique Streaming Platform

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