
À partir de mon cas, je vais tenter d’établir deux ou trois vérités sur la distribution de musique en ligne.
IDOL distribue mon dernier album « Haïku« sur plus d’une cinquantaine de plateformes actives. Les géantes, les nichées, les audiovisuelles, YouTube, Spotify, Apple Music, Amazon, Deezer, Qobuz, Tidal, TikTok, FB, MusicMe, Soundcloud…. et des dizaines d’autres.
Parmi toutes les plateformes présentes sur le portail client d’IDOL, il en existe qui ne sont pas à proprement parler des plateformes de streaming classiques. Citons : Yacast, une société d’études et de technologie spécialisée dans la veille des médias audiovisuels. La russe United Media Agency (UMA) fournit un service musical aux clients directement et en B2B avec le groupe Mail.ru. Shazam, que tout le monde connaît, permet d’identifier les morceaux qu’on entend à la volée. Jaxta, un site que je vous recommande vivement, s’est donné pour mission de compiler la base de données la plus exhaustive au monde des crédits musicaux officiels.
Mon album jazz « Docteur Boris & Mister Vian » apparait sur toutes les plateformes où l’on trouve « Haïku » mais aussi sur quelques-autres : 24-7, Akazoo, Beezik, Bloom FM, eMusic, Findspire, Fnac, JB Hifi Now, Musiwave – Xbox, RDio…
Le classique « En flèche » est répertorié sur plus de 80 plateformes. Les distributeurs proposent, les plateformes disposent, en fonction du style de répertoire, de la notoriété des artistes ou des œuvres, entre autres critères de sélection.
Tout ça pour dire que la distribution de musique en ligne est une activité très complexe à laquelle il faut ajouter la collecte des revenus qu’elle engendre et la rémunération des ayants-droits, qu’ils soient créateurs de contenus, investisseurs, services, licenciés, passeurs ou héritiers.
Je ne saurais vous dire combien de plateformes existent dans le monde. Je ne produis pas de hip-hop, chante en français, suis de ma génération…, des faits qui influent sur la distribution des fruits de mon travail. Toutefois je constate que le ReMix En continu d’Olaf Hund est distribué sur Beatport, Bmat, Muve, Snowite,Zvooq… des plateformes qui n’ont pas choisi l’artiste, juste le titre.
J’ai remarqué, que la plateforme QUB (plateforme québécoise lancée en 2020) n’apparait pas sur le portail de mon distributeur IDOL en ce qui me concerne. Deux explications sont possibles : soit mes albums ne sont pas disponibles sur QUB, ce dont je doute, soit le catalogue des artistes présents sur QoBuz (c’est mon cas) n’est pas géré par QUB. La maison française donne accès à son répertoire clefs en main, service compris. Oh mais vous ne le saviez pas ? QUB et Qobuz sont… cousin cousine !

A propos de l’accord Qobuz – QUB
Lu dans la presse.
Au-delà de la douzaine de pays où elle est disponible en tant que telle, à savoir France, Royaume-Uni, Irlande, Allemagne, Autriche, Belgique, Suisse, Luxembourg, Pays-Bas, Espagne, Italie et Etats-Unis, la plateforme française Qobuz se déploie aussi ailleurs dans le monde selon une stratégie de licences (en marque blanche). C’est le cas avec le groupe de médias et de télécoms Québecor, dont le « partenariat à la fois stratégique et financier – via sa maison mère Xandrie – s’est concrétisé en mai 2020 par le lancement de la plateforme « Qub musique ».
Il y aurait beaucoup à dire sur le sujet. L’idée est bonne. Imaginez que Spotify ait une vitrine couleur locale dans chacun des pays où la plateforme est présente. Un vestibule qui tienne compte de l’identité culturelle du pays. Les saintes portes de la découvrabilité, comme on dit, s’ouvriraient toute grande. L’entreprise Québecor a choisi ce modèle. La licence en marque blanche lui permet d’afficher une image locale où Qobuz n’apparait absolument pas. Le problème c’est que Québecor possède plusieurs maisons de disques et d’édition. La tentation de mettre en vitrine les artistes Musicor, Audiogram, Editorial Avenue, MP3 disques entre autres… est irrésistible et surtout inévitable. Il est dommage que Québecor n’ait pas souhaité proposer à ses abonnés le son Hi-Res de Qobuz, une vraie valeur ajoutée. Non, le plan com de QUB vise la clientèle Panier Bleu pas les geeks de son. Et l’étique qu’elle revendique, si favorable aux artistes, comme l’écrit Charles-Éric Blais-Poulin dans La Presse du 23 février 2022, L’équipe NumériQ, filiale de Québecor, calcule qu’elle remet 6,38 $ à l’industrie locale par abonnement mensuel, tandis que les autres services canadiens comme Spotify et Apple Music redistribueraient seulement 0,56 $. Waouw…. Alors là, je demande à voir une présentation précise démontrant que cette affirmation n’est pas juste un mot d’auteur de communiqué de presse, un spécialiste du story telling pas là pour nous donner un cours de gestion de droits.
Ça me fait penser au buzz « Jean-Leloup/Paradis City » en 2015, rappelez-vous :
« On voit que Paradis City a été écouté plus de 262 000 fois. Avec la rémunération au Canada qui est de 10,2 cents par 1000 écoutes, ça veut dire que la chanson rapporte 26 $. » (Vendredi 6 novembre 2015 – Radio Canada)
5 mois plus tard :
Le chiffre fait image. En 2015, les quelque 540 000 écoutes Spotify de la chanson Paradis City de Jean Leloup lui auront rapporté… un peu moins de 30 $ pour ses droits d’interprète. (Le 2 avril 2016 |Guillaume Bourgault-Côté | LE DEVOIR)
Une affirmation modulable chewing-gum copiée-collée à la semelle d’une industrie piétinante durant…. des années.
J’espère publier bientôt un article détaillé sur le concept de stratégie de licences en marque blanche. Avec cet accord, QUB aurait accès à l’ensemble du répertoire QoBuz et pourrait, de son côté, ajouter à cette offre le répertoire d’artistes locaux non disponible sur la plateforme française. Ceci expliquerait pourquoi QUB n’apparaît pas dans la liste IDOL des plateformes qui me « diffusent ». Depuis la presque disparition du download de fichiers-son, on peut parler de diffusion… à la carte, à la demande, à ce que vous voulez. Ces services proposent des millions de morceaux, les consommateurs s’abonnent, payent pour avoir accès au répertoire ou supportent la publicité, un choix plus restreint, un son compressé… s’ils ne veulent pas investir 100-120 $ € £ par an pour écouter de la musique.
Voilà le modèle et tous ses variants. Le modèle va rester, les variants vont se succéder, remplaçant les uns, s’ajoutant aux autres.
À la question posée par Rebecca dans son émission du 22 février 2022 « On dira ce qu’on voudra » – Est-ce nécessaire, à votre avis, d’être sur toutes les plateformes disponibles en tant qu’artiste ? Je réponds : plus les œuvres d’un artiste sont présentes en ligne, plus grandes sont ses chances de toucher des redevances
Pour aller plus loin
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